Le sentiment qui m’habitait, je peux encore le ressentir. Je me souviens donner le bain à mon petit bonhomme, et avoir les yeux remplis de larmes. Les minutes d’avant, j’avais tenté quelques fois de cliquer sur "publier", mais je n’y arrivais tout simplement pas. Je regardais ce petit bout d’humain, et malgré tout l’amour que je ressentais pour lui, je ressentais aussi une tristesse immense associée à sa présence, à cet instant présent.
Et je me souviens très bien avoir appuyé, au courant de cette même soirée, sur ce fameux "publier"… Et pleurer toutes les larmes de mon corps.
--- À la recherche d'une nouvelle famille pour Aby ---
...C'était maintenant sur ma page.
Les jours qui ont suivi ont été pénibles. Tellement lourds. J’ai échangé des messages avec des inconnus se disant intéressés par ma puce, j’ai parlé des heures au téléphone avec d’autres étrangers à la recherche d’un chien à accueillir. Dans tous les cas, je ne le sentais pas. Et après chaque discussion, je me sentais comme la plus grande traitresse que la terre ait porté, lorsque je fermais mon téléphone et croisais le regard de mon chien. Je crois que quelque part, elle comprenait. Elle savait que c’en était trop pour mon cœur de supporter ce quotidien rempli de tension, mais que c’était inhumain pour moi de vivre ce que je vivais en ce moment. Et je crois que malgré tout l’amour qu’elle me portait, elle ne m’en voulait pas, et ce bien malgré la grande tristesse qui l’habitait, elle aussi.
Je n’ai pas trouvé de famille les semaines qui ont suivi cette publication.
Et je me suis sentie soulagée. J’avais essayé. Sans succès.
Je me devais donc de poursuivre. C’était ça, rien d’autre. Je crois qu’à cette période, au fond de moi, je n’étais tout simplement pas réellement prête. Je venais de franchir une nouvelle étape, mais ce n’était pas encore le bon moment.
Alors j’ai redoublé les mesures de sécurité, on a travaillé, son vétérinaire comportementaliste et moi, à réajuster sa médication. Mais c’était toujours aussi difficile pour ma puce…
Puis, sans aucune attente, un jour, j’ai reçu un message. La vie fait parfois drôlement les choses… Cette étrangère est débarquée dans ma vie, à un moment inattendu, à un moment où mon cœur était probablement prêt à accueillir cette séparation.
Des gens croisent notre route et contre toute attente, ils nous permettent de se sentir mieux.
Cette personne m’a en quelque sortes sauvé, sans le savoir, en plus de donner un second souffle à mon vieil amour de chien.
Une lourdeur était bien installée dans mon cœur, une tension constante, une pression envahissante. La peur, la vigilance, la colère tiraillaient mon cœur pratiquement en permanence. Partager sa vie avec un chien malade, qui est incapable de s’habituer à la présence d’un poupon, qui est sur le qui-vive à toute seconde du jour, et qui observe chaque mouvement de cet être que tu as mis au monde, c’est épuisant… Cette hypervigilance était sur le point de me tirer au fond. Je désirais la sécurité de mon enfant, et le bonheur de mon chien. Et ce que j’offrais à ces deux individus que mon cœur aimait profondément était totalement l’inverse.
Je m’entendais en boucle dire à ces gens que je guidais dans le cadre de la thérapie comportementale de leur chien présentant de l’agressivité envers leur enfant "Supervision constante"… Et je me sentais profondément coupable de ne pas avoir compris la pression que mes paroles pouvaient entraîner.
CE
N’EST
PAS
RÉALISTE.
Superviser les interactions d'un chien, qui ne présente aucun trouble du comportement, avec son enfant, absolument! Mais superviser les interactions d'un chien "malade" au niveau mental, qui présente de l’agressivité secondaire à son anxiété, envers son enfant d’un an, non.
Je me souviens aussi avoir dit "Isolez votre chien quand il n’est pas possible de superviser les interactions". Mais quand on a un chien comme Aby… Ce n’est pas simple… Quand le niveau de stress est trop grand pour son petit corps, que l’anxiété devient trop forte, qu’il ne lui est plus possible de raisonner adéquatement et de comprendre la bonne intention derrière ce geste rempli d’amour, et qu’il développe une panique en cage, qu’il vocalise à s’en arracher l’âme, qu’il brasse sa cage dans tous les coins de la pièce où il se trouve… Alors tu pleures, assise au sol, ton petit dans tes bras, une main entre les barreaux à tenter de rassurer ce chien pour qui tu irais chercher la lune.
Et vient ce jour où, après avoir vécu cette tornade d’émotions après un geste aussi banal que d’appuyer sur "publier", ton âme sœur canine quitte. Où ton cœur se déchire en mille morceaux…Et qu’il se délivre au même moment, sans que tu ne le saches encore, de ce poids énorme qui était en train de le rendre malade.
Aby, ton absence est encore difficile. Mais mon cœur est plus léger. Et lorsque je vois Émile agir avec plein de douceur et de respect avec les chiens, je sais qu’il porte en lui les traces de ton passage dans sa vie. Et ça adoucit la peine encore présente.
Toi, la maman qui lit ces lignes le cœur serré dans le fond de ta poitrine, et la main dans le creux du cou poilu de ton chien, tu n’es pas seule. Je te comprends. La décision que tu prendras sera la bonne. Accueille cette douleur si intense, pleure toutes les larmes de ton corps, et sache qu’il viendra le jour où tu accepteras de regarder dans les yeux de ton chien maintenant bien attaché à sa nouvelle famille et de pouvoir y lire "Merci, je suis bien ici".
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