Le deuil… Ce processus pareil pour tous tout en étant complètement différent pour chacun. Mon deuil d’Aby en est un, disons, « hors norme »… Il a été entamé le jour où elle est partie dans sa nouvelle famille. Cet épisode fut de loin le pire. Le plus douloureux. Qu’elle disparaisse de mon quotidien du jour au lendemain. Qu’elle laisse ce vide dans la maison. Ne plus l’entendre. Ne plus respirer son odeur, le cou bien emmitouflé dans son poil. J’ai eu l’impression d’avoir un trou dans la poitrine pendant des semaines.
Puis les semaines, puis les mois se sont succédés, et je suis toujours restée connectée à elle. Sa new mom m’envoyait des photos. Je lui rendais de petites visites à l’occasion. Cette famille recomposée que nous avons réussi à bâtir, à notre couleur, par amour pour le même être, est l’une des plus belles relations que j’ai développée au courant de ma vie.
Aby avait une maladie cardiaque dégénérative, connue depuis deux ans. Cela faisait un bon bout que j’étais allée la voir. Et comme ça, un jour, sans préavis, une envie soudaine et d’une intensité remarquable m’a habité. Le lendemain, l’accueil qu’elle m’a fait… Un accueil comme elle ne m’en avait pas fait depuis qu’elle habitait auprès de sa nouvelle famille.
Elle était toujours contente de me voir, mais cette fois, c’était différent.
Et tout le temps, près de 2 heures, que j’ai passé avec elle, je la sentais remplie de gratitude. Elle me regardait, de son regard si doux. Elle collait sa tête contre mon visage, et restait là, sans bouger. Elle savait que je l’avais toujours comprise, qu’il ne me suffisait que de regarder dans ses yeux pour savoir ce que je devais faire.
Son cœur était fatigué... La fin de semaine suivante, sa mom devant s’absenter, Aby était à la maison. Ces moments furent nos derniers ensemble. Nous sommes allées regarder un coucher de soleil, en silence, comme on l’avait fait tellement de fois. Je suis allée la promener dans le chariot d’Émile, sur les sentiers de notre parc préféré. Aby… ce chien qui n’avait jamais eu de « fond », qui pouvait courir sans jamais se fatiguer, même rendue à l’âge de 12 ans, au beau milieu de la forêt, était incapable de courir... Cette journée là, elle est restée assise dans le chariot, son petit nez dans les airs à respirer l’air frais, ses yeux dans les miens de temps à autre, qui semblaient sourire et me remercier. Elle a mangé de la crème glacée. Et on s’est collé… beaucoup. Et je l’ai remercié, pour tout. Elle est repartie auprès de sa 2ième famille le dimanche.
Le lendemain, elle prenait son aller simple pour le paradis…
Quelles étaient les chances que ça se termine de cette façon? Que la semaine avant son déclin, qui s’est fait à une vitesse fulgurante, j’aille la visiter, et que quelques jours plus tard, elle passe le week end à la maison.
Comment expliquer mon besoin envahissant d’aller passer du temps avec elle à ce moment bien précis, alors que cela faisait 19 mois qu’elle était dans sa nouvelle famille?
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Les âmes sœurs existent.
Leur connexion survit à la distance.
Et leur connexion ne meurt jamais.
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Le 28 Février 2022 aura été le dernier matin d'Aby. Et cette journée là, j’ai eu le sentiment d’être dans une mission. Celle d'accompagner dignement mon chien dans ce moment si important. Je me suis sentie "solide" jusqu’à ce que je me retrouve seule, après avoir déposé son corps à l’hôpital… À ce moment là, mon cœur s’est fendu… Le deuxième deuil commençait.
Un peu plus tôt ce matin là, j’ai pris ma voiture et j’ai roulé de longues minutes, en écoutant la même chanson. Notre chanson à elle et moi. La même chanson que nous avions écoutée en boucle le jour où je l’ai conduite dans sa nouvelle famille. La chanson que j’écoute quand elle me manque comme ce n’est pas possible…
J’ai roulé jusqu’à la forêt où elle m’attendait. Cet endroit paisible, frais, là où je vais quand j’ai besoin d’un moment de recul, cet endroit où je reconnecte avec la nature, et où respirer semble plus facile.
Celui qui a toujours su prendre soin d’elle, sa mom et sa sœur étaient là. Quand j’ai ouvert la porte de ma voiture, elle est arrivée, en gambadant lentement, enjouée tout en étant si fragile. Que c’est ingrat d’amener son chien sur son lit de mort alors que lui, il n’en a aucune idée... Il te regarde, le sourire dans les yeux, content d’être à tes côtés…
C’est entouré de quatre humains qui l’ont aimé et pris soin d’elle, dans ce lieu paisible, au milieu de la forêt, au bord d’un feu qui crépitait, qu’Aby s’est retrouvée pour son dernier moment. Sur notre grosse couverture de camping noire et rouge, et sa vieille doudou grise de jeune chien maintenant remplie de trous, elle s’est couchée, et est venue déposer sa tête dans la paume de ma main. Là, assise au sol, j’avais l’impression que le temps était suspendu… Je l’écoutais respirer, doucement, lentement…
Quelle belle run tu as eue hein Aby? Quelle belle run ON a eue… Et au moment où je t’ai dit que tu pouvais y aller, que ça allait être correct… Tu as pris ta dernière respiration. Et j’ai pleuré, le visage dans ton cou.
Tu es partie courir au paradis des chiens…
Tu es partie sauter comme un lièvre dans les hautes herbes, renifler tous les trous de bouette, te rouler dans le gazon en ronchonnant, faire des appels au jeu en grognant, et bien sûr zigner la tête de tous les chiens sur ton passage!
Je t’ai emmitouflé dans la grosse douillette, et je t’ai déposé dans ma voiture. Notre dernière ride ensemble… Avant de te donner ton dernier bisou, le nez au creux de ton poil, je t’ai déposé dans la housse mortuaire… Et à ce moment, jamais fermer une fermeture éclair n’a été aussi long… et difficile...
C’est rempli de vide que je me suis rassise dans ma voiture… Ne sachant pas trop ce que j’étais sensée faire, maintenant. Tu étais partie… Tu n’étais plus là si j’avais besoin de toi. Mais j’avais aussi un sentiment de gratitude à travers tout le corps. Je t’avais accompagné jusqu’à ton dernier souffle, mon chien. Et ce soir là, je suis retournée sur le même banc que l’avant-veille, pour regarder le coucher du soleil…
Quelques journées ont passé, alors que le temps semblait au ralenti. La douleur était tellement vive, intense, j’avais l’impression qu'on me pinçait le cœur. Je manquais d’air, et ça me pesait tellement dans la poitrine que j’avais envie de m’ouvrir la cage thoracique. Puis est venu le moment où tu étais de retour…
La boîte dans mes mains, seule dans mon siège d’auto qui m’avait l’air trois fois trop grand, dans un stationnement qui semblait vide et rempli en même temps, encore une fois, je n’avais aucune idée de quoi faire… J’ai ouvert la boîte, j’ai pris dans mes mains l’urne miniature en forme de cœur. Puis j’ai pris dans mes mains l’autre urne, celle qui contenait le reste de toi. Je l’ai ouverte… Et je t’ai vu… Mon chien… réduit en cendres… dans une boîte… C’est en éclatant en sanglots, sans pouvoir résister, que je l’ai aussitôt refermée… cette boîte que je n’ai pas pu ouvrir à nouveau depuis.
Tu es là, sur cette tablette de bois, dans la cuisine. Avec l’empreinte de tes pattes qu’on a faites ensemble la veille de ton départ, et une photo de toi. Je te vois, mon petit chien de cendres, tous les jours… Et je suis désolée de ne pas savoir quoi faire… Je me suis dit, avant que tu t’y retrouves, que tu ne pouvais pas terminer ta vie enfermée dans le noir, toi qui a tant besoin de liberté et de grand air. Je me disais que tu irais rejoindre ta rivière préférée cet été. Mais là, l’idée de t’éparpiller me donne l’impression de te découper en mille morceaux… Alors j’attends… Et j’imagine que le temps saura me dire… Si jamais tu trouves une façon de répondre à ce questionnement qui revient tous les jours, je garde mon cœur ouvert, et je me répète que ;
Les âmes soeurs existent.
Leur connexion survit à la distance.
Et leur connexion ne meurt jamais.
J’taime pour toujours vieux chien xxxxxxxxx
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